Newsletter trimestrielle n°28

La première newsletter de cette nouvelle année revient sur les arrêts obtenus par le cabinet au cours du dernier trimestre de l’année 2024.
Elle met, plus particulièrement, en lumière des arrêts de principe que nous avons obtenus notamment en matière de conflit de lois et d’assurance, de procédure civile, de bail rural, de pouvoir de direction de l’employeur, de droit fiscal, de fonction publique et de délégation de service public.
Cette newsletter commente de manière synthétique ces arrêts qui ont justifié une publication au Bulletin des arrêts de la Cour de cassation et au recueil Lebon, ou présentent, dans tous les cas, un intérêt juridique et pratique.
Bonne lecture et encore bonne année !
Droit Civil
Assurance – conflit de lois – clause « pay to bu paid »
Civ. 1, 18 décembre 2024, n°21-23.252, publié au bulletin et au rapport annuel
Par un arrêt destiné à être publié tant au Bulletin qu’au rapport annuel de la Cour de cassation, la première Chambre civile a jugé que la clause « pay to be paid », courante dans les contrats d’assurance maritime, qui impose au responsable d’un sinistre d’indemniser la victime pour être remboursé par son assureur, ne pouvait être opposée par l’assureur à la partie lésée afin de faire échec à une action directe.
Elle a justifié cette inopposabilité par le fait, qu’en application de l’article 11, § 2, du règlement (CE) du Conseil n° 44/2001, dit « Bruxelles I », et des principes régissant le conflit de lois en matière d’action directe de la partie lésée contre l’assureur du responsable, l’action directe doit être possible si elle est permise par la loi de l’obligation principale ou par la loi du contrat d’assurance et qu’en l’espèce, l’article L. 124-3 du code des assurances français, loi de l’obligation principale, autorise de manière générale l’action directe de la victime. En conséquence, la loi anglaise, loi du contrat d’assurance, ne pouvait y faire obstacle en reconnaissant la validité de la clause « pay to be paid ».
Cependant, la compagnie d’assurances ayant obtenu de manière préemptive une décision de la Haute Cour de Londres qui avait fait application de cette clause pour dire que la victime ne pouvait agir tant que l’assuré n’avait pas payé, s’ajoutait à la question de l’opposabilité de la clause « pay to be paid », celle de la validité de la clause attributive de compétence désignant les juridictions anglaises – qui font une application rigoureuse des clauses « pay to be paid » – et celle de l’opposabilité de la décision d’ores et déjà rendue par la Haute Cour de Londres.
La Cour de cassation a rappelé que la clause attributive de compétence figurant dans le contrat liant l’assureur et l’assuré, bien que valable entre les parties, ne pouvait être opposée à la victime, partie économiquement et juridiquement la plus faible et qui n’y avait pas consenti, dès lors qu’elle aurait pour conséquence de la priver de la protection offerte la section 3 du chapitre II du règlement Bruxelles I.
Puis, opérant une substitution de motifs qui lui avait été suggérée par le cabinet, la Cour de cassation a fait application de l’exception prévue à l’article 35 du règlement Bruxelles 1 pour écarter la reconnaissance automatique de la décision rendue par la Haute Cour de Londres puisqu’elle aurait eu pour conséquence de priver d’effet le principe de l’inopposabilité à la victime de la clause attributive de compétence et donc indirectement d’interdire l’action directe de la victime.
Enfin, bien que cette décision ait été rendue dans une affaire dont les faits étaient antérieurs au Brexit, elle a une portée qui excède celle des seuls litiges concernant le Royaume Uni dans la mesure où les clauses « pay to be paid » sont classiques dans les contrats d’assurance maritime conclus avec des P&I Clubs – associations d’assureurs maritimes fonctionnant comme des mutuelles de remboursement des frais exposés par les armateurs qui engagent leur responsabilité – et que nombre de ces assureurs ont leur siège au sein de l’Union européenne.
Bail rural – action en répétition de l’indu sur le fondement de l’article L 411-74 du code rural et de la pêche maritime
Civ 3, 28 novembre 2024, n°23-19.267, publié au bulletin
Dans cet arrêt publié, la Cour de cassation juge d’abord, pour la première fois qu’il résulte de l’article L. 411-74 du code rural et de la pêche maritime que l’action en répétition des sommes indûment versées au titre des fumures et arrières-fumures peut être intentée par le preneur entrant contre le bailleur, que ce dernier exploitât préalablement les parcelles données à bail ou que celles-ci fussent antérieurement louées.
Elle a ensuite jugé, sur le fond de l’affaire qui lui était soumise, que la cour d’appel avait pu déduire de ses constatations qu’un preneur rapportait la preuve du paiement du prix de cession pour des arrières-fumures et partant, faire droit à sa demande en répétition contre une bailleresse.
L’arrêt illustre, sur ce point, le contrôle opéré par la Cour de cassation sur la motivation des juges du fond faisant droit à une action en répétition de l’indu sur le fondement de l’article L. 411-74 du code rural et de la pêche maritime.
Droit Commercial
Aval – Engagement à titre personnel
Com, 23 octobre 2024, n°22-22.215, publié au bulletin
Dans cet arrêt destiné à la publication au Bulletin, la Cour de cassation juge qu’il résulte des articles L. 511-21, alinéa 5 et L. 512-4 du code de commerce que l’aval résulte de la seule signature du donneur d’ordre apposée au recto du billet à ordre, sauf quand il s’agit de la signature du souscripteur de ce billet.
Elle approuve une cour d’appel, ayant constaté qu’à côté de la signature apposée sur le cachet de la société souscriptrice du billet à ordre, le gérant avait également apposé sa signature sur le cachet de la société dans la partie concernant l’aval, d’en avoir déduit que ce gérant ne s’était pas engagé à titre personnel en qualité d’avaliste.
Cette jurisprudence, publiée, admet qu’une même société puisse être à la fois souscripteur d’un billet à ordre et avaliste d’un billet à ordre.
Elle met ainsi fin à une jurisprudence passée selon laquelle la Haute juridiction, se fondant sur le principe selon lequel une même personne en la même qualité ne peut être à la fois souscripteur et donneur d’aval (Com, 23 mars 1999, n°96-13.709 ; 9 mai 2001, n°98-11.489) en déduisait que le gérant, ayant apposé à deux reprises sa signature sur un effet de commerce s’était nécessairement engagé à titre personnel à garantir le souscripteur.
Procédure Civile
Appel civil- premier président- communication électronique- sanction- irrecevabilité appel- sanction disproportionnée
Civ.2, 28 novembre 2024, n°21 13648, publié au bulletin
Cette décision s’inscrit dans la jurisprudence actuelle de la deuxième Chambre civile qui tend, dans le sillage de celle de la Cour européenne des droits de l’Homme, à éviter les sanctions d’un formalisme excessif.
La finalité de cette jurisprudence souple et pragmatique tend à garantir aux justiciables l’accès aux juges, conformément aux exigences de l’article 6 §1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales.
Dans cette affaire, rappelant que l’appel contre le jugement d’orientation est formé, instruit et jugé selon la procédure à jour fixe, que la requête sollicitant l’autorisation d’assigner à jour fixe peut être présentée au premier président au plus tard dans les huit jours de la déclaration d’appel et qu’en matière de procédure avec représentation obligatoire, à peine d’irrecevabilité relevée d’office, les actes de procédure sont remis à la juridiction par voie électronique, la Cour de cassation a souligné que la communication par voie électronique était obligatoire devant la cour d’appel ou son premier président.
Néanmoins, précise la Haute juridiction, et là est l’apport essentiel de l’arrêt du 28 novembre dernier, la méconnaissance des prescriptions propres aux procédés techniques utilisés en matière de communication électronique, ne saurait avoir pour effet de rendre l’appel irrecevable, une telle conséquence étant disproportionnée au regard du but poursuivi.
En conséquence, en l’espèce, la cour d’appel ayant relevé que la requête devant le premier président avait été déposée sur support papier mais que l’article 2 de l’arrêté du 20 mai 2020 relatif à la communication par voie électronique se bornait à fixer les garanties de sécurité et les modalités de transmission des documents par la voie électronique, notamment les actes de procédure, la Cour de cassation a décidé que c’est à bon droit que la cour d’appel en avait déduit la recevabilité de l’appel.
Droit du Travail
Contrat de travail – exécution – employeur- pouvoir de direction- étendue- contrôle et surveillance des salariés- accès au contenu d’un support informatique
Soc. 11 décembre 2024, n° 23-20.716, publié au bulletin
Dans cette affaire, la Cour de cassation a réaffirmé sa doctrine classique selon laquelle le salarié bénéficie d’une liberté d’expression directe et collective en lien avec son travail sauf abus, lequel se caracte´rise par des propos injurieux, diffamatoires ou excessifs (Soc. 24 novembre 2021, n° 20-18.143 ; 21 septembre 2022, n° 21-13.045, B).
Elle a rappelé à cette occasion qu’il résulte des dispositions de l’article L. 1121-1 du code du travail que sauf abus résultant de propos injurieux, diffamatoires ou excessifs, le salarié jouit, dans l’entreprise et en dehors de celle-ci, de sa liberté d’expression.
Ainsi, selon la Chambre sociale, la cour d’appel ayant relevé que le salarié avait désigné un membre de la société sous la dénomination dénigrante « popo » et avait détourné l’appellation « l’EPD » (entretien progrès développement) en répondant à son collègue en ces termes « on peut vraiment dire : le PD » pour désigner le directeur général M. Pomart, a ainsi caractérisé l’existence, par l’emploi de termes injurieux et excessifs, d’un abus dans l’exercice de sa liberté d’expression, peu important le caractère restreint de la diffusion de ces propos.
La Haute juridiction a ensuite réaffirmé sa solution déjà consacrée tendant à juger que les messages SMS envoyés ou reçus par le salarié au moyen du téléphone mis à sa disposition par l’employeur pour les besoins du travail sont présumés avoir un caractère professionnel, en sorte que l’employeur est en droit de les consulter en dehors de la présence de l’intéressé, sauf s’ils sont identifiés comme étant personnels (Com. 10 février 2015, n° 13-14.779).
Ce qui remet en cause le caractère privé de la conversation et ne fait que confirmer, pour ce qui concerne les SMS, une jurisprudence déjà bien établie et applicable en matière de mails.
En effet, la Cour de cassation juge que les mails adressés et reçus par le salarié à l’aide de l’ordinateur mis à sa disposition par l’employeur pour les besoins de son travail, mails non identifiés comme personnels par le salarié, sont présumés avoir un caractère professionnel (Soc. 15 décembre 2010, n° 08-42.486 ; 26 juin 2012, n° 11-14.022 ; 16 mai 2013, n° 12-11.866), de sorte que l’employeur peut librement les consulter.
Elle a jugé, en l’occurrence, que la cour d’appel ayant constaté que les propos visés dans la lettre de licenciement avaient été tenus par le salarié par messages SMS envoyés au moyen de son téléphone portable professionnel, lors d’échanges avec des salariés en poste, ou des salariés ayant quitté la société concernant les litiges prud’homaux les opposant à celle-ci et, ensuite, qu’il s’agissait de propos critiques de la société et de propos dénigrants à l’égard de ses dirigeants, a exactement déduit de ces constatations et énonciations, dont il ressortait que les messages litigieux, qui bénéficiaient d’une présomption de caractère professionnel pour avoir été envoyés par le salarié au moyen du téléphone mis à sa disposition par l’employeur pour les besoins de son travail et dont le contenu était en rapport avec son activité professionnelle, ne revêtaient pas un caractère privé, qu’ils pouvaient être retenus au soutien d’une procédure disciplinaire peu important que ces échanges ne fussent pas destinés à être rendus publics.
Droit Public
Marchés et contrat administratifs – notion de contrat administratif– délégations de service public – convention prévoyant le versement par le délégataire de redevances ou de droits d’entrée
CE, 31 octobre 2024, Commune de Fontainebleau, n°487.995, mentionné aux tables du recueil Lebon
Par cet arrêt de principe, le Conseil d’Etat a apporté des précisions sur la nature de la redevance de mise à disposition des biens, réglée, par ce dernier à la délégante, en début de contrat et jugé que le délégataire est fondé à demander à être indemnisé de la part non amortie de la redevance de mise à disposition des biens qui constitue une dépense d’investissement.
Le Conseil d’Etat a ainsi jugé que lorsque la convention de DSP prévoit que des redevances ou des droits d’entrée correspondent à la mise à disposition de biens, évalués nécessairement à la valeur nette comptable, et qu’elle est résiliée par la collectivité délégante avant son terme normal, le délégataire a droit, sauf si le contrat en stipule autrement, à l’indemnisation par la collectivité délégante de la part non amortie de telles sommes correspondant, à la date de la résiliation, à la valeur nette comptable des biens ainsi mis à disposition, si ces biens font retour à la collectivité ou sont repris par celle-ci.
Cette somme doit être regardée comme une dépense d’investissement pour le délégataire, prise en compte pour évaluer la durée nécessaire pour qu’il puisse couvrir ses charges.
Le délégataire est par suite fondé à demander à être indemnisé de la part non amortie de cette somme à la date d’effet de la résiliation.
Autorisation de licenciement de salariés protégés pour motif économique – Contrôle par l’administration de l’obligation de reclassement – Précisions des mentions figurant sur les offres et accessibilité des offres
CE, 2 décembre 2024, req. n° 488.033, mentionné aux tables du recueil Lebon
Lorsqu’un employeur sollicite l’autorisation de licencier un salarié protégé pour motif économique, l’autorité administrative doit s’assurer, sous le contrôle du juge de l’excès de pouvoir, qu’il a procédé à une recherche sérieuse des possibilités de reclassement du salarié protégé.
Comme le cabinet l’y invitait, le Conseil d’Etat reconnaît dans cet arrêt que l’autorité administrative doit, au titre de son contrôle de la précision des offres de reclassement, s’assurer que celles-ci comportent l’ensemble des mentions prévues au II de l’article D. 1233-2-1 du code du travail et, lorsque l’employeur communique, non pas des offres personnalisées mais une liste des postes disponibles aux salariés, que ces mentions sont aisément accessibles.
L’arrêt d’appel est ainsi censuré faute pour la cour d’avoir recherché si les offres communiquées à la salariée sur une liste comportaient bien le descriptif et la classification des postes, et si celles-ci étaient aisément accessibles.
Nature et environnement – Référé – Levée de la condition d’urgence pour la demande de suspension d’une décision d’aménagement (L. 554-12 du CJA et L. 123-16 du code de l’environnement) – Champ – Exclusion – Opération dont l’enquête publique est régie seulement par le code de l’expropriation pour cause d’utilité publique
CE, 27 décembre 2024, Etablissement public foncier Grand Est et autres, req. n° 489.079, mentionné aux tables du recueil Lebon
Il résulte des articles L. 554-12 du code de justice administrative (CJA) et L. 123-16 du code de l’environnement que la suspension de l’exécution, par le juge administratif des référés, d’une décision d’aménagement soumise à enquête publique préalable n’est pas subordonnée à la condition d’urgence prévue au premier alinéa de l’article L. 521-1 du CJA lorsque, d’une part, l’enquête publique l’ayant précédée est régie par le code de l’environnement et, d’autre part, qu’elle a été prise après des conclusions défavorables du commissaire enquêteur ou de la commission d’enquête.
Ainsi que le cabinet l’y invitait, le Conseil d’Etat considère cependant qu’il en va différemment lorsque la décision soumise à enquête publique préalable dont la suspension est demandée ne porte pas sur une opération susceptible d’affecter l’environnement relevant de l’article L. 123-2 du code de l’environnement.
Dans cette hypothèse, l’enquête publique étant régie par les seules dispositions du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique et non par celles du code de l’environnement, la demande de suspension présentée au juge administratif des référés est soumise à une condition d’urgence.
L’ordonnance du juge des référés retenant le contraire est donc censurée pour erreur de droit et, dans le cadre du règlement de l’affaire au titre de l’instance de référé, les conclusions à fin de suspension ont pu être rejetées pour défaut d’urgence.
Fonction publique – Mise en demeure préalable à une radiation des cadres pour abandon de poste – Contenu – Effet de l’absence de mention que la radiation des cadres interviendra sans procédure disciplinaire
CE, 30 décembre 2024, Université Toulouse III Paul Sabatier, req. n° 471.753, mentionné aux tables du recueil Lebon
Dans cet arrêt, le Conseil d’Etat rappelle que l’obligation pour l’administration d’impartir à l’agent un délai approprié pour rejoindre son poste et de l’avertir que, faute de le faire, il sera radié des cadres constitue une condition nécessaire pour que soit caractérisée une situation d’abandon de poste, et non une simple condition de procédure (CE, 26 septembre 2014, Mme Hamada, req. n° 365918), ce qui rejoint au demeurant la récente position adoptée à l’égard des salariés de droit privé (CE, 18 décembre 2024, req. n° 473.640).
Toutefois, et comme le cabinet l’y invitait, il a considéré qu’il n’en allait pas de même de l’indication qui doit être donnée à l’agent public, dans la mise en demeure écrite qui lui est adressée, que l’abandon de poste pourra être constaté sans procédure disciplinaire préalable qui relève d’un vice de procédure pouvant être neutralisé en application de la jurisprudence Danthony.
L’arrêt de la cour administrative d’appel ayant adopté le parti contraire a donc été censuré.
Dans ce cas d’espèce, l’administration avait fait signifier par commissaire de justice à l’agent une mise en demeure ne comprenant pas cette dernière indication, la copie de l’acte de signification, déposé avec l’avis de passage de l’huissier, mentionnant que cet agent était mis en demeure de rejoindre son service à une certaine date et heure sous peine de radiation des cadres.
L’agent s’est abstenu d’aller retirer cet acte avant ces date et heure, sans faire état d’aucune circonstance l’ayant empêché de prendre connaissance plus tôt de l’intégralité des mentions de l’acte qui lui était signifié.
Dans ces circonstances, réglant l’affaire au fond, le Conseil d’Etat a estimé que cet agent ne pouvait utilement soutenir que l’absence de mention, dans le courrier de mise en demeure, de ce que l’abandon de poste pourrait être constaté, à l’expiration du délai fixé, sans mise en œuvre de la procédure disciplinaire l’aurait privé de la garantie que constitue cette mention.
Droit Fiscal
Revenus distribués – Avantages occultes (article 111 c du CGI) – Prise en charge par une société d’une dépense incombant à un tiers – Imposition des sommes entre les mains du tiers – Conditions – Preuve de l’intention libérale
CE, 29 octobre 2024, req. n° 471.567
Dans cette arrêt, le Conseil d’Etat rappelle que lorsqu’une société a pris en charge des dépenses incombant normalement à un tiers sans que la comptabilisation de cette opération ne révèle, par elle-même, l’octroi d’un avantage, il appartient à l’administration, si elle entend faire application des dispositions précitées du c de l’article 111 du code général des impôts pour imposer, dans les mains du tiers, cette somme, d’établir, d’une part, que la prise en charge de cette dépense ne comportait pas de contrepartie pour la société, et d’autre part, qu’il existait une intention, pour celle-ci, d’octroyer, et pour le tiers, de recevoir, une libéralité.
Dans ce cas d’espèce, afin de permettre au contribuable d’acquérir en France un bien immobilier avec l’aide financière de sa famille résidant au Maroc en contournant la réglementation fiscale et des changes du Maroc interdisant un tel transfert de fonds entre particuliers, il avait été convenu que la famille verse l’argent nécessaire à l’acquisition du bien à une société devant ensuite reverser les sommes au contribuable.
Si la société a versé les fonds au contribuable, il se trouve que son gérant a conservé les fonds versés par la famille sans les verser à la société.
Le contribuable se prévalait de cette circonstance pour faire valoir l’absence d’intention libérale, en ce sens qu’il n’avait jamais eu l’intention de recevoir une libéralité de la part de la société quand bien même celle-ci aurait versé des sommes sans contrepartie.
Les juges du fond ont considéré, par principe, cette circonstance comme inopérante, raisonnement que le Conseil d’Etat censure pour erreur de droit.
L’intérêt de la décision réside dans la circonstance, assez inédite, que le Conseil d’Etat a admis que l’appréciation de l’intention libérale pouvait tenir compte d’une configuration tripartite et donc de l’intervention d’un tiers sans se limiter au comportement du payeur et du bénéficiaire des fonds.