Newsletter trimestrielle n°26

La newsletter met, plus particulièrement, en lumière des arrêts de principe obtenus par le cabinet en droit fiscal, en procédure civile et en droit du travail.
Cette newsletter commente de manière synthétique ces arrêts qui ont justifié une publication au Bulletin des arrêts de la Cour de cassation, ou présentent, dans tous les cas, un intérêt juridique et pratique.
Bonne lecture et bel été !
Droit Civil
Expropriation – Ordonnance d’expropriation – Expropriation partielle – Document d’arpentage – Défaut – Effet – Polynésie française
Expropriation – Ordonnance d’expropriation – Propriétaire décédé – Recherche des héritiers – Nécessité – Polynésie française
Civ 3, 6 juin 2024, n°23-12.205
Dans un arrêt publié en date du 13 juin 2019, la Cour de cassation a décidé, au visa des articles R. 221-4, R. 132-2, R. 132-3 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique, ensemble l’article 7 du décret du 4 janvier 1955 portant réforme de la publicité foncière, « qu’en cas d’expropriation partielle impliquant de modifier les limites des terrains concernés, un document d’arpentage doit être préalablement réalisé afin que les parcelles concernées soient désignées conformément à leur numérotation issue de ce document » (Civ 3, 13 juin 2019, n°18-24.225, B ; solution constante depuis, v. par ex : Civ 3, 19 septembre 2019, n°18-18.789 ; 23 septembre 2020, n°19-19.291 ; 16 mars 2022, n°21-11.735).
La troisième Chambre civile a précisé, dans cet arrêt du 6 juin 2024, que cette solution avait également vocation à s’appliquer en Polynésie française.
Elle a en effet réitéré le principe précité, au visa des textes spécialement applicables en Polynésie française, soit les articles R. 11-28 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique, dans sa rédaction issue de l’article 2 du décret n°95-323 du 22 mars 1995 portant extension et adaptation de la partie réglementaire du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique dans le territoire de la Polynésie française et l’article 34 de la délibération n°90-126 AT du 13 décembre 1990 fixant le mode et les formalités d’établissement, de rénovation et de conservation du cadastre sur le territoire de la Polynésie française.
Et elle a cassé et annulé une ordonnance rendue par le juge de l’expropriation du tribunal de première instance de Papeete qui avait désigné les biens expropriés par leur référence cadastrale initiale et la superficie de l’emprise de l’opération d’expropriation.
Dans cet arrêt, la Cour de cassation a également rappelé, au visa des articles R. 11-22 et R. 12-1 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique, rendus applicables par le décret n° 95-323 du 22 mars 1995 portant extension et adaptation de la partie réglementaire du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique dans le territoire de la Polynésie française, qui correspondent aux articles R. 131-6 et R. 221-1 du code applicable en métropole, que « notification individuelle du dépôt du dossier à la mairie est faite par l’expropriant, sous pli recommandé avec demande d’avis de réception, aux propriétaires figurant sur la liste établie en application de l’article R. 11-19 lorsque leur domicile est connu d’après les renseignements recueillis par l’expropriant ou à leurs mandataires, gérants, administrateurs ou syndics » et qu’ « en cas de domicile inconnu, la notification est faite en double copie au maire qui en fait afficher une et, le cas échéant, aux locataires et preneurs à bail rural ».
Et elle a censuré, en l’espèce, l’ordonnance qui s’était bornée, pour déclarer expropriées certaines parcelles qui appartenaient aux demandeurs au pourvoi, à viser le certificat d’affichage attestant de l’apposition d’affiches dans la commune où se situaient lesdites parcelles, alors qu’il n’était justifié d’aucune recherche pour identifier les héritiers des propriétaires initiaux desdites parcelles et qu’il ne résultait pas du dossier que ces derniers aient reçu de notification individuelle.
Autrement dit, la Haute juridiction a rappelé que l’autorité expropriante ne pouvait s’affranchir de toute notification individuelle aux ayants-droits des propriétaires des parcelles expropriées et se borner à procéder à un affichage en mairie, sans effectuer de recherches pour identifier les héritiers desdits propriétaires et tenter en conséquence de leur notifier individuellement le dossier d’enquête parcellaire (v. déjà, dans un sens analogue, en métropole : Civ 3, 2 février 2005, n°04-70.018 ; 7 mars 2024, n°23-12.754, B).
En l’absence de notifications individuelles et à défaut de recherches destinées à identifier les héritiers, le juge de l’expropriation doit refuser de prononcer le transfert de propriété.
Cautionnement – Caution personne physique – Engagement manifestement disproportionné – Revenus escomptés de l’opération garantie
Com., 10 juillet 2024, n° 22-21.663 et n° 22-21.664
La Cour de cassation rappelle, dans ces deux arrêts, qu’en matière de contrat de cautionnement conclu par une personne physique au profit d’un créancier professionnel, la proportionnalité de l’engagement de la caution ne peut être appréciée au regard des revenus escomptés de l’opération garantie.
Elle censure, par conséquent, la cour d’appel qui, pour condamner la caution et rejeter sa demande tendant à voir déclarer ses engagements manifestement disproportionnés, a retenu qu’il convenait de prendre en compte l’augmentation de la valeur des parts que la caution détenait dans la société débitrice principale, du fait de l’opération financée.
Il importe peu que l’augmentation de valeur des parts soit certaine à la date de l’engagement.
Dès lors qu’elle résulte de l’opération garantie elle ne peut en aucun cas être prise en compte pour apprécier les capacités de remboursement de la caution.
Droit Commercial
Société à responsabilité limitée – Assemblée générale – irrégularité de la convocation d’un associé – Conséquence
Com., 29 mai 2024, n° 21-21.559, publié au bulletin
Dans cet arrêt, la Cour de cassation considère qu’il résulte de l’article L. 223-27 du code de commerce que le défaut de convocation régulière de l’associé d’une société à responsabilité limitée à l’assemblée générale de cette société n’entraîne la nullité des délibérations de cette assemblée que si cette irrégularité a privé l’associé de son droit d’y prendre part et qu’elle était de nature à influer sur le résultat du processus de décision.
Ainsi que le faisait valoir le cabinet, le texte donne au juge la faculté d’annuler la délibération mais ne l’exige pas automatiquement, ce qui implique une appréciation de la portée de l’irrégularité et notamment de déterminer si elle a causé un grief à l’associé.
Cette position était déjà induite par la jurisprudence antérieure rendue en application de la loi du 24 juillet 1966 selon laquelle les juges saisis d’une demande d’annulation d’une assemblée irrégulièrement convoquée ne sont pas liés par la constatation de l’existence d’une telle irrégularité (Com., 5 décembre 2000, n° 98-13904, B. 192 ; 9 juillet 2002, n° 99-10453, B. 120).
Dès lors, la Cour de cassation censure pour défaut de base légale l’arrêt qui déduit la nullité d’une délibération d’assemblée générale du seul fait que l’un des associés n’ait pas été régulièrement convoqué sans rechercher comme il lui incombait si cet associé a été privé de son droit à y prendre part et si son absence avait été de nature à influer sur le résultat du processus de décision.
Procédure Civile
Appel civil – cassation – juridiction de renvoi- poursuite procédure – règles applicables à la date de la déclaration d’appel – article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l’Homme
Civ 2, 23 mai 2024, n°22-17104, publié au bulletin
La Cour de cassation, par son arrêt du 17 septembre 2020 (2e Civ., 17 septembre 2020, pourvoi n° 18-23.626), a consacré une nouvelle règle de procédure selon laquelle lorsque l’appelant ne demande dans le dispositif de ses conclusions ni l’infirmation des chefs du dispositif du jugement dont il recherche l’anéantissement ni l’annulation du jugement, la cour d’appel ne peut que confirmer le jugement.
La jurisprudence a précisé maintes fois que l’application immédiate de cette règle de procédure, dans les instances introduites par une déclaration d’appel antérieure à la date de cet arrêt, aboutirait à priver les appelants du droit à un procès équitable.
L’arrêt du 23 mai 2024 a apporté une précision intéressante.
Rappelant que devant la juridiction de renvoi, l’instruction est reprise en l’état de la procédure non atteinte par la cassation, de sorte que c’est la même instance d’appel qui reprend et se poursuit devant la cour d’appel de renvoi, il a souligné en toute logique que la déclaration de saisine de la juridiction de renvoi après cassation n’est pas une déclaration d’appel et n’introduit pas une nouvelle instance mais entraîne la poursuite de l’instance d’appel initiale.
En conséquence, précise la deuxième Chambre civile, lorsque cette instance a été introduite par une déclaration d’appel antérieure à l’arrêt du 17 septembre 2020, la règle de procédure nouvelle énoncée pour la première fois par cet arrêt ne peut recevoir application.
Respect du contradictoire – invitation d’un président ou d’une juridiction à fournir des explications de droit ou de fait qu’il estime nécessaire postérieurement à la clôture des débats
Civ 2, 23 mai 2024, n°22-23.735, publié au bulletin
Par cet arrêt publié au bulletin, la Cour de cassation rappelle les exigences liées à ce principe dans l’hypothèse où une juridiction ou son président invite une partie, postérieurement à la clôture de l’instruction, à fournir des explications de droit ou de fait, par application des articles 442 et 445 du code de procédure civile.
Après avoir rappelé que le président doit ordonner la réouverture des débats chaque fois que les parties n’ont pas été à même de s’expliquer contradictoirement sur les éclaircissements de droit ou de fait qui leur avaient été demandés, elle a censuré la cour d’appel qui, en cours de délibéré, avait demandé la production d’une ordonnance portant prorogation de la mission d’un administrateur provisoire et s’était fondée sur cette pièce pour rejeter un moyen tiré de l’irrecevabilité à agir de ce dernier.
Elle a reproché aux juges du fond, au visa de l’article 16 du code de procédure civile, d’avoir statué ainsi sans avoir ni invité les parties à formuler, dans un certain délai, leurs observations en cours de délibéré, ni ordonné la réouverture des débats.
Droit du Travail
Contrat de travail, rupture – Licenciement – Nullité – Cas – Violation par l’employeur d’une liberté fondamentale – Applications diverses – Dénonciation de faits dont le salarié a eu connaissance dans l’exercice de ses fonctions
Soc. 2 mai 2024, n° 22-17.572
Dans cette affaire, la Chambre sociale a réaffirmé sa solution déjà consacrée tendant à juger qu’en raison de l’atteinte qu’il porte à la liberté d’expression, en particulier au droit pour les salariés de signaler les conduites ou actes illicites constatés par eux sur leur lieu de travail, le licenciement d’un salarié prononcé pour avoir relaté ou témoigné, de bonne foi, de faits dont il a eu connaissance dans l’exercice de ses fonctions et qui, s’ils étaient établis, seraient de nature à caractériser des infractions pénales, est atteint de nullité (Soc. 30 juin 2016, n° 15-10.557, B ; 7 juillet 2021, n° 19-25.754, B ; 19 janvier 2022, n° 20-10.057, B).
Elle a rappelé qu’il résulte des dispositions de l’article L. 1132-3-3 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n°2016-1691 du 9 décembre 2016, qu’aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, pour avoir relaté ou témoigné, de bonne foi, de faits constitutifs d’un délit ou d’un crime dont il aurait eu connaissance dans l’exercice de ses fonctions.
Ainsi, selon la Chambre sociale, la cour d’appel qui a, d’abord, constaté que le salarié avait révélé au président de l’association, dans une lettre du 29 septembre 2015, que le directeur général avait confié le chantier de rénovation du siège à Mme [Z], sa voisine, sans procéder à une mise en concurrence et sans que toutes les factures ne soient parvenues au service comptable et qu’il avait attribué à une société gérée par une de ses connaissances la formation et la gestion de séminaires des éducateurs et des salariés œuvrant dans l’association, sans procéder non plus à un appel d’offres et sans que l’objet social de cette entreprise soit en lien avec ce type de formation, ensuite, retenu, réfutant les motifs déterminants du jugement, que ces faits, contrairement à ce qu’avaient affirmé les premiers juges, ne ressortaient pas d’un simple défaut de respect des procédures internes, mais seraient de nature, s’ils étaient établis, à caractériser le délit prévu par l’article 432-14 du code pénal, et enfin, relevé qu’il s’était écoulé moins d’un mois entre l’expédition de la lettre du 29 septembre 2015 et la convocation du salarié à un entretien préalable assortie d’une mise à pied conservatoire alors que, depuis son embauche, il n’avait fait l’objet d’aucun reproche mais avait perçu régulièrement des primes marquant la satisfaction de son employeur, ce dont elle a déduit que le lien entre le licenciement et le courrier d’alerte était établi, a exactement déduit de ces constatations et énonciations, dont il ressortait que le salarié avait été licencié pour avoir relaté ou témoigné de bonne foi de faits constitutifs d’un délit, que le licenciement était nul.
Statut collectif du travail – Conventions et accords collectifs – Conventions diverses – Convention collective nationale de la fabrication et du commerce des produits à usage pharmaceutique, parapharmaceutique et vétérinaire du 1er juin 1989 – Article 15.3 – Indemnité de licenciement – Montant – Calcul – Assiette – Calcul d’indemnités prévues par un plan de cessation anticipée d’activité
Soc. 22 mai 2024, nos 22-18.182, publié au bulletin et n°22-18.183
Dans ces affaires, la Cour de cassation a réaffirmé sa solution déjà consacrée tendant à juger que l’indemnité de licenciement est calculée en tenant compte des seuls éléments du salaire, à l’exclusion des sommes versées par l’employeur mais qui ne constituent pas la contrepartie du travail fourni (Soc. 30 mars 2011, nos 09-42.105 et 10-11.488, B ; 12 novembre 2020, n° 18-23.986, B).
Elle a rappelé qu’il résulte des dispositions de l’article 15.3 de la convention collective nationale de la fabrication et du commerce des produits à usage pharmaceutique, parapharmaceutique et vétérinaire du 1er juin 1989, que le salaire à prendre en considération pour l’indemnité de licenciement est la rémunération moyenne brute des douze derniers mois ou des trois derniers mois et que pour le calcul de cette rémunération entrent en ligne de compte tous les éléments du salaire qui, par leur nature, sont soumis aux cotisations de sécurité sociale.
Ainsi, selon la Chambre sociale, la cour d’appel, ayant relevé que le salaire de référence servant de base au calcul des indemnités de départ et de l’indemnité mensuelle de dispense d’activité devait être déterminé selon les dispositions de l’article 15.3 de la convention collective applicable, et retenu à bon droit que l’acquisition par le salarié en mai 2018 d’actions gratuites attribuées par l’employeur en 2015 et valorisées en fonction du seul cours de la bourse ne constituait pas la contrepartie du travail, en a exactement déduit que la valorisation des actions gratuites attribuées au salarié, qui n’avaient pas la nature d’un salaire, ne pouvait être prise en compte pour la fixation des indemnités litigieuses.
Droit Public
Police administrative – compétence du maire – réglementation routière ayant des incidences sur les communes voisines
CE, 17 juin 2024, Commune de Farino, req. n° 470.189, mentionné aux tables
Le Conseil d’Etat a décidé qu’à l’extérieur des agglomérations, le maire exerçait la police de la circulation sur les voies du domaine public routier communal et pouvait interdire, à ce titre, à certaines heures l’accès de certaines voies de l’agglomération ou de certaines portions de voie ou réserver cet accès, à certaines heures, à diverses catégories d’usagers ou de véhicules.
Ainsi, il a posé le principe selon lequel lorsqu’une voie traverse successivement le territoire de différentes communes, chaque maire est compétent pour réglementer la circulation sur cette voie sur le territoire de sa commune, quand bien même la réglementation qu’il adopte aurait des conséquences sur les conditions de circulation sur le territoire d’une autre commune.
Ce n’est que par exception que lorsque l’axe d’une voie communale délimite les territoires de deux communes que la police de la circulation doit être exercée en commun par les maires de ces communes.
Urbanisme – Incompétence – Régularisation -Modalités
CE, 17 juin 2024, Société Sugah-Socapi, req. n° 471.711
Le Conseil d’Etat est venu préciser sa jurisprudence relative à la régularisation d’une autorisation d’urbanisme entachée d’incompétence.
Il a tout d’abord rappelé le principe selon lequel « lorsqu’une autorisation d’urbanisme est entachée d’incompétence, qu’elle a été délivrée en méconnaissance des dispositions législatives ou réglementaires relatives à l’utilisation du sol ou sans que soient respectées des formes ou formalités préalables à la délivrance de l’autorisation, l’illégalité qui en résulte peut être régularisée par la délivrance d’une autorisation modificative dès lors que celle-ci est compétemment accordée pour le projet en cause, qu’elle assure le respect des règles de fond applicables à ce projet, répond aux exigences de forme ou a été précédée de l’exécution régulière de la ou des formalités qui avaient été omises. Elle peut, de même, être régularisée par une autorisation modificative si la règle relative à l’utilisation du sol qui était méconnue par l’autorisation initiale a été entretemps modifiée ou si cette règle ne peut plus être regardée comme méconnue par l’effet d’un changement dans les circonstances de fait de l’espèce. Il en va de même dans le cas où le bénéficiaire de l’autorisation initiale notifie en temps utile au juge une décision individuelle de l’autorité administrative compétente valant mesure de régularisation à la suite d’un jugement décidant, en application de l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme, de surseoir à statuer sur une demande tendant à l’annulation de l’autorisation initiale. Dès lors que cette nouvelle autorisation assure la régularisation de l’autorisation initiale, les conclusions tendant à l’annulation de l’autorisation initialement délivrée doivent être rejetées. » (CE, 30 juin 2023, req. n° 463.230).
Le Conseil d’Etat considère ensuite qu’il ne saurait être déduit de la seule délivrance d’un permis de construire modificatif délivré compétemment, que ce dernier avait eu pour effet de régulariser le vice d’incompétence dont était entaché le permis initial sans rechercher s’il résultait des pièces du dossier, tels que la chronologie dans laquelle s’inscrivait la demande de permis modificatif ou les échanges intervenus avec la commune à l’occasion de son instruction, que ledit permis modificatif avait eu en l’espèce cet objet de régularisation.
Autrement dit, l’excès de laxisme du juge est tout autant sanctionné que l’excès de rigueur relevé dans l’arrêt du 30 juin 2023 dans l’appréciation de la régularisation d’une autorisation entachée d’incompétence.
Droit Fiscal
Procédure d’imposition – Notification régulière de la proposition de rectification – Charge de la preuve – Conséquence
Com., 10 mai 2024, n° 22-14.130, publié au bulletin
Après avoir rappelé que la charge de la preuve de la régularité d’une proposition de rectification par voie postale pesait sur l’administration, la Cour de cassation, comme le cabinet l’y invitait, a précisé qu’à ce titre, l’administration devait établir le respect de la réglementation postale telle qu’elle résulte du code des postes et des communications électroniques et notamment la régularité de l’avis de passage et le respect du délai de mise en instance de quinze jours au bureau de poste.
Dans ce cas d’espèce, la Cour de cassation, au visa des articles L. 57 et R. 57-1 du LPF et de l’article R. 1-1-6 du code des postes et des communications électroniques a donc censuré l’arrêt de la cour d’appel qui a écarté le moyen tiré de l’irrégularité de la proposition de rectification, alors qu’elle avait relevé que le pli contenant la proposition de rectification avait été retourné à l’expéditeur seulement deux jours après sa première présentation, ce dont il résultait que le délai de mise en instance de quinze jours n’avait pas été respecté.
Tribunal des conflits
Compétence – juge judiciaire – service des pompes funèbres – service industriel et commercial
Tribunal des conflits, 8 juillet 2024, n°4314
Saisi sur renvoi de la Chambre sociale de la Cour de cassation (Soc, 6 mars 2024, n°2212477), le Tribunal des conflits a tranché pour la première fois la question de la compétence du juge judiciaire pour connaître d’un litige opposant un agent recruté par contrat pour exercer des fonctions d’assistant funéraire dans un crématorium, laquelle question supposait de savoir si un crématorium est un service public industriel et commercial ou un service public administratif.
La Chambre sociale a réservé au Tribunal des conflits cette question de compétence. Elle y avait décelé une difficulté sérieuse.
Certes, le Tribunal des conflits (TC, 20 janvier 1986, n° 02413, publié au recueil) avait jugé que compte tenu tant de son objet, que de son mode de financement et des modalités de son fonctionnement, le service extérieur des pompes funèbres présente un caractère administratif et que, dès lors, les juridictions de l’ordre administratif sont seules compétentes pour connaître des litiges entre les communes, qui assurent directement ce service, et les entreprises qui, sans être chargées de l’exécution du service public, procèdent, pour le compte des familles, à l’organisation des obsèques en recourant aux fournitures et prestations assurées par le service public.
Toutefois, postérieurement à l’entrée en vigueur de la loi n° 93-23 du 8 janvier 1993 relative à la législation dans le domaine funéraire, le Conseil d’Etat (section de l’intérieur), saisi par le ministre de la réforme de l’Etat, de la décentralisation et de la citoyenneté de questions relatives au service extérieur des pompes funèbres, avait, dans sa séance du 19 décembre 1995 (n° 358.102), exprimé l’avis que le service extérieur des pompes funèbres revêtait le caractère d’un service public industriel et commercial.
Mais, précisait la Chambre sociale, l’article L. 2223-40 du code général des collectivités territoriales dispose que les communes et les établissements publics de coopération intercommunale sont seuls compétents pour créer et gérer les crématoriums et les sites cinéraires, ce qui pourrait justifier le caractère de service public administratif et la compétence de la juridiction administrative.
Elle relevait qu’il ressort du 8° du premier alinéa de l’article L. 2223-19 du code général des collectivités territoriales que le service extérieur des pompes funèbres a une mission de fourniture de personnel et des objets et prestations nécessaires aux crémations. Enfin, le service public du crématorium peut, selon l’article L. 2223-40 du même code, être géré en régie directe ou par voie de gestion déléguée.
Le Tribunal des conflits a réglé la question en décidant que compte tenu de son objet, de l’origine de ses ressources, constituées principalement du prix acquitté par les usagers en paiement des prestations, et de ses modalités de fonctionnement, marquées par la pluralité des intervenants publics ou privés, le service extérieur des pompes funèbres assuré par la régie des pompes funèbres de la commune de Toulouse présente le caractère d’un service public industriel et commercial. Il en va de même pour la gestion, par la régie des pompes funèbres, du crématorium sans qu’y fasse obstacle la circonstance que l’article L. 2223-40 réserve aux communes la compétence pour créer et gérer les crématoriums.
Avocats
Profession d’avocats – accès à la profession – conditions d’admission au barreau – respect des principes déontologiques – Nouvelle-Calédonie
Civ 1, 24 avril 2024, n°22-23.615
Par cet arrêt, la Cour de cassation a d’abord rappelé au visa des articles 11 et 17 3° de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, que si le premier de ces textes énumère les conditions à défaut desquelles nul ne peut accéder à la profession d’avocat, il ne s’ensuit pas que tout candidat qui satisfait à ces conditions doive être admis au barreau et qu’il appartient au conseil de l’ordre, conformément au second, de veiller au respect des principes déontologiques de la profession.
Elle a en a déduit qu’une cour n’appel ne peut, pour ordonner l’inscription d’un avocat à son barreau, retenir qu’en application du premier texte, il y avait lieu uniquement de s’attacher à la vérification de l’existence de condamnations pénales, disciplinaires ou administratives, sans appréciation, d’une part, de faits à l’origine de plaintes n’ayant donné lieu à aucune suite ou de poursuites achevées par une décision de relaxe ni recherche, d’autre part, d’infractions aux règles déontologiques de la profession qui ne peuvent être sanctionnées que dans l’hypothèse où elles sont commises par des avocats en exercice, et que l’intéressé remplissait les conditions de probité et de moralité pour prétendre à son inscription au tableau de l’ordre des avocats.
Elle a en conséquence cassé l’arrêt de la cour d’appel qui s’était ainsi déterminée, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si l’avocat n’avait pas manqué aux règles déontologiques de la profession, en exerçant en Nouvelle-Calédonie une activité d’avocat à titre habituel comme s’il était inscrit au barreau de Nouméa, en intervenant régulièrement dans des procédures et ayant pris des locaux en location pour y exercer ses activités, privant ainsi sa décision de base légale.